Tous les 2 ans, les jardins adhérents au Réseau Cocagne se retrouvent pour 2 journées de réflexions et d’échanges sur des thématiques communes. Cette année, c’est le sujet de l’émancipation qui était au coeur de nos débats.
La place de l’émancipation dans les projets Cocagne.
Nos jardins, comme toutes Structures de l’Insertion par l’Activité Economique (SIAE) sont jugés sur leur taux de « sorties positives », à savoir le pourcentage de salariés en parcours d’insertion qui retrouvent un emploi ou une formation qualifiante à la sortie du Jardin. Si cet indicateur est considéré comme l’alpha et l’oméga de la mission d’insertion, il passe sous silence tout le travail d’accompagnement que font les Jardins avec les salariés en parcours pour les aider à trouver leur voie et à se dégager des freins qui les empêchent d’atteindre cette voie. Dès lors, que signifie pour les Jardins et pour le réseau Cocagne d’affirmer un horizon politique où l’émancipation aurait une place plus grande dans les projets ? Depuis plusieurs années, le réseau Cocagne a lancé une réflexion interne avec ses adhérents pour débattre des changements que nous souhaitons engager, en expérimentant et en apprenant des actions et pratiques des uns et des autres…
Un cheminement pour faire bouger les lignes
Ce travail a commencé en 2017 avec le forum intitulé « c’est quoi ce travail ? » qui fut l’occasion d’aborder la façon dont nous vivons et nous travaillons ensemble et de considérer que c’est en transformant les rapports sociaux dans le travail que nous transformerons la question de l’emploi.
En 2018, le séminaire national confortait l’idée que le travail, dans le sens « activité de travail », est un moyen de reconnaissance essentiel pour la construction de soi.
En 2019, des débats avec les jardiniers ont été organisés, une mobilisation inter-associative pour permettre l’accès digne à une alimentation de qualité pour tous a été lancée ainsi qu’un colloque « Agriculture urbaine et insertion » qui a permis la valorisation des salariés en insertion dans leur rôle d’intérêt général au service de la population.
Un constat renforcé par la crise Covid de 2020 et le rôle essentiel de notre activité de production alimentaire pourtant si mal reconnu. Le réseau Cocagne lançait alors le projet « Territoires alimentaires inclusifs » pour que les personnes vulnérables contribuent et s’engagent au cœur des projets alimentaires territoriaux.
Cette année, l’expérimentation « Chiche » a vu le jour avec l’objectif de permettre aux salariés en insertion de prendre plus de place dans le projet de chaque jardin avec des exemples, pensés comme des sources d’inspirations plutôt que comme des recettes ! L’autre temps fort est la formation de dirigeants de jardins sur l’organisation réflexive du travail, c’est-à-dire une organisation qui se soucie des effets du travail sur ses ressources immatérielles (la confiance, les compétences, la pertinence des arbitrages, la santé…).
Une délégation du Jardin de Blois présente pour participer aux débats
Nous sommes partis (et revenus !) à 7 pour ce forum qui se déroulait à Loos-en Gohelle, près de Lens avec Jean-Pierre, notre président, Nina, chargée de développement, Cécile, Nana, Ophélie, maraichères encadrantes, Martine, encadrante de la Table de Cocagne et Valérie, directrice. Une fine équipe pour participer aux travaux de ce forum….
Lors de débats en plénière ou sous forme d’ateliers de travail, nous avons écouté, débattu, témoigné sur des thèmes tels que : « Impliquer les salariés dans l’organisation de leur travail », « Faires des pratiques d’accompagnement vers l’emploi des parcours émancipateurs pour les salariés », « comprendre et transformer les rapports de pouvoirs au sein des jardins », « quel rôle pour les Jardins dans la mise en œuvre d’une plus grande démocratie alimentaire ? », ou « comment favoriser les nouveaux métiers de la transition écologique »….
S’émanciper, c’est agir pour s’affranchir des contraintes et dépasser les obstacles existants dans nos vies. Il est ressorti que pour les accompagnants que nous sommes, favoriser cette capacité, c’est :
écouter là où est le désir des personnes accompagnées, là où sont leurs colères, là où sont leurs ressources. C’est prendre le temps de discussions ouvertes.
s’engager avec elles dans un processus au cours duquel les personnes s’engagent, gagnent du pouvoir, prennent des décisions, font des apprentissages,
refuser de prescrire un changement, des solutions POUR les personnes mais inventer AVEC elles des actions dons lesquelles elles prennent une place, sont en capacité de décider,
mobiliser les personnes dans l’identification des difficultés et des solutions en s’appuyant sur leurs ressources propres mais aussi celles du groupe.
Les Anges Gardins, Jardin co-organisateur de ce forum avec le Réseau Cocagne, avaient bien fait les choses : une première journée dans les salles mises à disposition par le Louvre-Lens avec en prime une visite commentée de l’exposition Picasso, une soirée sur le site du tiers-lieu « Ménadel et St Hubert » où nous avons pu apprécier le savoir-faire des gens du Nord en terme de brasserie, des repas délicieux assurés par les salariés en insertion de leur « Table de Cocagne », une ascension (pour les plus courageux/ses) du plus haut terril d’Europe et une 2ème journée dans une salle municipale de Loos-en-Gohelle, ville pilote du Développement Durable depuis 2014 !
Avec plus de 200 permanents venus d’une quarantaine de jardins, ce fut une belle réussite. Nous en sommes revenus avec pleins d’envies, d’idées, de contacts pour améliorer nos pratiques au service de notre mission d’insertion.
Une nouvelle étape qui confirme qu’il n’y a pas que des légumes dans le panier de votre jardin !
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